La sexualité chez les jeunes : où en est-on vraiment ?
Décryptage dans une enquête menée auprès de 1000 jeunes Français.es
L’enquête a été conduite en avril 2023 par Terpan Prévention et le Docteur Laure Geisler, médecin généraliste et journaliste santé, créatrice de contenu sur ses comptes LE COEUR NET Instagram et TikTok où elle vulgarise la santé et propose des informations de préventions notamment en santé sexuelle.
Il s’agit d’un sondage anonyme et gratuit via les réseaux sociaux : l’échantillon regroupe 966 répondants, âgé(e)s de 13 à 20 ans, 72% de femmes, 26% d’hommes et 3% de personnes non binaires.
Les normes sociales et culturelles en matière de sexualité évoluent et, en 2023, les adolescents semblent davantage susceptibles de parler ouvertement de leur sexualité. Par ailleurs, l’accès aux informations, aux images, aux pornos et aussi aux fake-médecine est de plus en plus facilité avec les smartphones obtenus souvent dès l’entrée au collège. L’éducation sexuelle est censée être au cœur des enseignements pour protéger les mineurs, leur intégrité corporelle et psychique.
Première fois, premiers apprentissages, protection contre les IST (Infections Sexuellement Transmissibles), dépistages, mais aussi consentement, épanouissement… Qu’en est-il des pratiques des jeunes et quelles sont leurs connaissances ?
Terpan Prévention, entreprise experte en prévention contre les IST et le Docteur Laure Geisler, médecin généraliste engagée, ont interrogé près de 1000 jeunes à travers la France, âgés de 13 et 20 ans pour mieux comprendre la sexualité des adolescents pour peut-être mieux les accompagner dans cette étape importante de la vie.
L'entrée dans la sexualité : decrytpage
Les adolescents-es de cette étude entrent en moyenne dans la vie sexuelle sensiblement au même âge que les générations précédentes. D’après l’enquête, l’âge moyen du premier rapport sexuel est de 17,6 ans pour les filles et de 17 ans pour les garçons. Cet âge n’a pas beaucoup évolué depuis 40 ans.
En revanche, 1 jeune sur 3 interrogés déclare avoir eu son premier rapport sexuel avant 15 ans, dont presque 13% avant 13 ans. Autre donnée, 29% des interrogés gardent un souvenir amer de leur première expérience sexuelle, 29% d’entre eux déclarent avoir ressenti une pression sociale pour passer à l’acte.
La pornographie, une influence inquiétante
La pornographie peut avoir un impact significatif sur la sexualité des adolescents en raison de sa libre accessibilité et de sa popularité en ligne. Elle crée souvent des attentes surréalistes et peut avoir une influence négative sur les relations et la santé sexuelle des jeunes.
Dans l’étude menée par Terpan Prévention et le Dr Laure GEISLER, 40% des jeunes interrogés affirment que la pornographie a une influence sur leur rapport à la sexualité : 52% des jeunes interrogés expliquent que les films pornographiques ont joué un rôle plus ou moins négatif dans leur apprentissage de la sexualité et à terme, dans leurs comportements sexuels.
« Les jeunes qui consomment régulièrement de la pornographie sont exposés à des représentations de la sexualité qui sont irréalistes et souvent centrées sur le plaisir masculin. Cela peut influencer négativement leurs attentes sur leurs performances et leurs comportements sexuels. », explique Laure Geisler.
« Les adolescents consommateurs de pornographie peuvent ressentir des difficultés à se connecter émotionnellement avec leur partenaire et trouver de la satisfaction dans leur image corporelle et dans leurs relations sexuelles. De plus, les jeunes qui ont une vision de la sexualité influencée par la pornographie peuvent avoir du mal à comprendre les concepts de consentement, de protection (le préservatif n’étant pas toujours présent) et de communication. Il est donc indispensable que les parents, les professionnels de santé, et les éducateurs discutent avec eux des risques et du recul nécessaire, afin de les aider à comprendre comment consommer de manière responsable et éclairée mais surtout pour avoir des relations sexuelles saines, respectueuses, pour eux-mêmes et les autres », continue Laure Geisler.
L'éducation sexuelle : un enjeu majeur de sensibilisation
En France, l’éducation sexuelle est intégrée dans les programmes scolaires depuis l’école primaire jusqu’au lycée. Les informations sur la sexualité, la contraception ou encore sur les IST sont facilement accessibles sur internet, dans les centres de planification et d’éducation familiale, ainsi que dans les pharmacies ou les Cegidd.
Cependant, malgré ces dispositifs, certains jeunes ne sont pas satisfaits de l’information qu’ils reçoivent à l’école. De plus, l’accès aux services de santé sexuelle, y compris la contraception et le dépistage des IST peut être limité dans certaines régions ou difficile du fait du milieu social.
Dans cette étude, 81% des jeunes ont déclaré avoir reçu des cours d’éducation sexuelle à l’école mais seulement 41% se sentent mieux informés.
Pour 56% des jeunes interrogés, internet et les réseaux sociaux restent les principales sources d’informations en matière de sexualité, un moyen pas toujours fiable ni sécurisé.
« Malgré les programmes d’éducation sexuelle mis en place à l’école, il peut y avoir certains obstacles, propres à chaque environnement de l’adolescent, qu’ils soient familiaux, sociaux ou culturels qui empêchent les jeunes d’obtenir les informations dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées en matière de santé sexuelle. Il est essentiel que les jeunes aient accès à une éducation sexuelle complète et accessible qui couvre non seulement l’aspect biologique mais également la prévention contre les infections sexuellement transmissibles (IST), la contraception et le consentement mutuel. Il est primordial qu’ils soient efficacement informés des risques liés à la sexualité et des moyens de les éviter, tels que la prévention des grossesses non désirées », explique Terpan Prévention.
Selon les résultats de l’enquête, le cercle familial ne constitue pas toujours un moyen de s’informer puisque 44% des sondés disent ne jamais avoir discuté de sexualité avec leurs parents ou dans leur cercle familial. Cela semble encore être tabou.
Pour les répondants qui ont pu se tourner vers leur entourage familial pour parler de sexe, les discussions se seraient souvent limitées au sujet de la contraception, sans aborder les autres sujets de sexualité essentiels comme le consentement mutuel ou l’amour.
En ce qui concerne les connaissances concernant la protection contre les IST, les résultats sont préoccupants. Bien que 94 % des personnes interrogées aient identifié le préservatif masculin comme une mesure de protection efficace, seulement 25 % d’entre elles pensent qu’une hygiène intime régulière peut également réduire les risques d’IST, 5 % ont cité la pilule contraceptive et 3 % ont évoqué les anneaux vaginaux comme moyen de prévention des IST.
Une prise de risques
Dans cette étude, le préservatif apparaît comme un code d’entrée dans la sexualité, témoignant de l’impact des campagnes et actions de prévention et de l’éducation à la sexualité puisque 79% des jeunes interviewés ont utilisé un préservatif lors de leur premier rapport sexuel.
Quid de l’utilisation du préservatif dans le temps ?
34% des interrogés utilisent le préservatif occasionnellement ou rarement lors de leurs rapports sexuels avec pénétration, et ils sont 19% à ne jamais en utiliser. Le préservatif semble être un frein au plaisir sexuel : 45% des jeunes sondés jugent que le préservatif diminue le plaisir sexuel. Le retrait du préservatif serait justifié si des tests sérologiques étaient réalisés et négatifs. Or 59% des répondants déclarent ne jamais s’être fait dépister contre les IST. Le dépistage est pourtant le moyen de connaître son statut sérologique et préserver sa santé sexuelle et celle des autres.
« Les jeunes d’aujourd’hui sont très mal sensibilisés quant aux différents moyens de protection qui s’offrent à eux et surtout, ils semblent ne plus avoir peur du Sida. Ils ont peut-être retenu que l’on peut vivre avec le VIH et que pris à temps et bien traitée, la charge virale pourrait même devenir indétectable ! Les jeunes d’aujourd’hui doivent certes vivre avec cette épée de Damoclès mais ne la considèrent plus si dangereuse que ça », explique Terpan Prévention.
Le consentement mutuel
Alors que presque Plus de 95 % des interrogés fixent l’âge de la majorité sexuelle au-delà de 15 ans (dont 9 % à 18 ans !!), 8% des interrogés confient avoir subi des rapports sexuels non consentis et 3% d’entre eux disent avoir eu un rapport sexuel avec une personne d’autorité alors qu’ils étaient mineurs.
Par ailleurs, avec l’utilisation permanente des nouvelles technologies de communication et notamment l’avènement des réseaux sociaux, le sexe virtuel est une pratique de plus en plus répandue chez les jeunes. 31% des répondants affirment l’avoir déjà pratiqué et 57% d’entre eux confient avoir au moins une fois envoyé des photos personnelles à caractère sexuel.
Sur les 966 répondants, 100 disent avoir été victimes de revenge porn ou avoir au moins une fois reçu des textos à caractère sexuel sans leur consentement.
De façon convergente, les résultats de cette enquête suggèrent que de nombreux jeunes sont encore trop peu informés, voire mal informés. Ils sont de ce fait susceptibles d’être exposés à des risques d’IST, de grossesses non désirées voire d’abus sexuels (victime ou agresseur).
Les dispositifs et les outils actuellement en place à l’école et l’offre de santé sexuelle actuelle sont inadaptés ou insuffisants. Parallèlement, les parents semblent également parfois démunis (ou désinvestis) de cette partie de l’éducation visiblement encore trop tabou.
Les associations Sidaction, SOS Homophobie et Le planning Familial ont saisi au mois de mars 2023 la justice et accusent le gouvernement de ne pas appliquer la loi (celle-ci prévoit au moins 3 séances d’éducation à la sexualité par an au lycée).
Comment améliorer l’instruction en matière de sexualité ? En milieu scolaire, des ateliers pédagogiques doivent être renforcés, accompagnés et adaptés à l’âge des jeunes, leur développement cognitif, affectif et émotionnel. Les parents doivent également s’associer aux apprentissages et apprendre à lever les tabous.
Il est plus que nécessaire de réaffirmer et d’accentuer les politiques de santé en direction des jeunes en ce qui concerne l’éducation à la sexualité en prenant en compte l’ensemble des jeunes, notamment les plus en marge du système de santé, ainsi que l’ensemble des acteurs (enseignants, infirmière scolaire, associations agrées et parents …). Il faut s’interroger enfin sur l’utilisation positive et impactante des réseaux sociaux pour œuvrer en ce sens.